Solidarité avec S., aujourd’hui entre la vie et la mort suite à la répression de la manifestation de Sainte Soline [Maj]

Voici plusieurs textes en solidarité avec S., dont le pronostic vital est engagé pour avoir été touché à la tête par une grenade lors de la manifestation du 25 mars contre les mégabassines à Sainte Soline.

Le premier est le communiqué signé « les parents de Serge », ensuite deux communiqués signés « des camarades du S », et le dernier est un tract signé « Quelques camarades et compagnons de Paris », suivi d’un addendum faisant le récit d’un contrôle le matin de la manifestation du 28 mars visant à l’empêcher de le photocopier pour le diffuser pendant la manifestation.

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Communiqué des parents de Serge

Notre fils Serge est actuellement hospitalisé avec un « pronostic vital engagé », suite à la blessure occasionnée par une grenade GM2L, lors de la manifestation du 25 mars 2023 organisée à Sainte-Soline (79) contre les projets de bassines irrigantes.

Nous avons porté plainte pour tentative de meurtre, entrave volontaire à l’arrivée des secours ; et pour violation du secret professionnel dans le cadre d’une enquête de police, et détournement d’informations contenues dans un fichier de leur finalité.

Suite aux différents articles parus dans la presse, dont beaucoup sont inexacts ou mensongers, nous tenons à faire savoir que :

- Oui, Serge est fiché « S » – comme des milliers de militants dans la France d’aujourd’hui.

- Oui, Serge a eu des problèmes judiciaires – comme la plupart des gens qui se battent contre l’ordre établi.

- Oui, Serge a participé à de nombreux rassemblements anticapitalistes – comme des millions de jeunes dans le monde qui pensent qu’une bonne révolution ne serait pas de trop, et comme les millions de travailleurs en lutte actuellement contre la réforme des retraites en France.

Nous considérons qu’il ne s’agit là nullement d’actes délictueux qui saliraient notre fils, mais que ces actes sont au contraire tout à son honneur.

Les parents de Serge

Le mercredi 29 mars 2023

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Communiqué au sujet de S., camarade au pronostic vital engagé à la suite de la manifestation de Sainte-Soline

Samedi 25 mars à Sainte Soline, notre camarade S. a été atteint à la tête par une grenade explosive lors de la manifestation contre les bassines. Malgré son état d’urgence absolue, la préfecture a sciemment empêché les secours d’intervenir dans un premier temps et d’engager son transport dans une unité de soins adaptée dans un second temps. Il est actuellement en réanimation neurochirurgicale. Son pronostic vital est toujours engagé.

Le déferlement de violences que les manifestants ont subi a fait des centaines de blessés, avec plusieurs atteintes graves à l’intégrité physique comme l’annoncent les différents bilans disponibles. Les 30 000 manifestants étaient venus dans l’objectif de bloquer le chantier de la méga-bassine de Sainte-Soline, un projet d’accaparement de l’eau par une minorité au profit d’un modèle capitaliste qui n’a plus rien à défendre sinon la mort. La violence du bras armé de l’Etat démocratique en est la traduction la plus saillante.

Dans la séquence ouverte par le mouvement contre la réforme des retraites, la police mutile et tente d’assassiner pour empêcher le soulèvement, pour défendre la bourgeoisie et son monde. Rien n’entamera notre détermination à mettre fin à leur règne. Mardi 28 mars et les jours suivants, renforçons les grèves et les blocages, prenons les rues, pour S. et tous les blessés et les enfermés de nos mouvements.

Vive la révolution.

Des camarades du S.

PS :  Si vous disposez d’informations concernant les circonstances des blessures infligées à S., contactez-nous à : s.informations@proton.me

Nous souhaitons que ce communiqué soit diffusé le plus massivement possible.

Communiqué n°2 : À propos de la construction policière autour de Serge et des autres blessés de Sainte Soline

Alors que notre camarade Serge se bat comme un lion pour garder la vie que l’Etat essaie de lui enlever, nous assistons à un nouveau déferlement de violences, cette fois-ci médiatiques, qui vise à faire de lui un homme qu’on peut légitimement abattre. Aujourd’hui, il est toujours dans le coma et son pronostic vital est toujours engagé. Notre solidarité va aussi à Mickaël et à toutes celles et ceux qui ont rencontré la violence de la police sur leur chemin.

Les mots du pouvoir d’état sont inlassablement répétés sur les plateaux des médias bourgeois pour construire l’ennemi qu’ils veulent combattre. Leur écran de fumée ne supportera pas les dizaines de récits qui sont venus recomposer le déroulement des faits. La gendarmerie a utilisé des grenades dans le but d’abîmer les manifestants et a orchestré la faillite de la prise en charge des secours, quitte à laisser mourir les camarades.

Les services de renseignements distribuent à tour de bras le dossier de Serge dans les rédactions dans le but d’imposer le prisme policier pour désigner ce que nous sommes. Nous ne nous amuserons pas ici à démonter chacune des versions policières volontairement tronquées. Ça serait croire qu’une quelconque vérité à ce sujet puisse exister dans les arcanes des propagandes étatique et médiatique. Serge, en tant que militant révolutionnaire, participe depuis de nombreuses années de toute sa volonté aux différentes luttes de classe qui surgissent contre notre exploitation, toujours dans un souci d’élargissement, de renforcement et de victoires pour les prolétaires.

Parce que oui, nous ne pouvons pas nous résigner à l’écrasement.

Nous appelons toutes celles et ceux qui le connaissent à dire autour d’eux qui il est. Mais en se souvenant d’une chose : Serge, dans la lutte, refuse la stratégie du pouvoir de désigner les bons et les mauvais. Nous tenons, avec lui, cette ligne.

Mardi 28 mars, des gens d’un peu partout ont pris l’initiative de témoigner de leur solidarité au cœur du mouvement contre la réforme des retraites en France. Nous avons également reçu de nombreux messages de camarades d’autres pays. Nous les en remercions chaleureusement et les invitons à poursuivre et renforcer la lutte. D’autres initiatives sont d’ores et déjà programmées et nous appelons les gens à les rejoindre et à les multiplier, sans modération, en France et dans le monde.

Nous appelons à diffuser massivement ce communiqué.

PS : de nombreuses rumeurs circulent sur l’état de santé de Serge. Ne les relayez pas. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de la situation.

Pour nous contacter : s.informations@proton.me

Des camarades du S.

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NON.

La répression est partout. On subit tous, avec des intensités variées, ce qui est défendu régulièrement par ceux qui sont contents de ce système comme sa violence « légitime » voire « nécessaire ». Qu’il s’agisse de nous forcer au taf, à la normalité, de prévenir toute déviance et toute révolte par la menace très démocratique de la force et de l’enfermement, cette politique de prévention s’arme parfois davantage, quand il s’agit de réprimer directement ce qui la conteste. Alors la « violence légitime » chauffée à blanc se lâche sur les corps jamais assez armés ni préparés des manifestants, à coup d’armes non létales qui tuent pourtant, et alors le « maintien de l’ordre » ressemble à la guerre.

C’est ce qui s’est passé avant-hier à Sainte Soline : des blessés par centaines, du sang partout, des plaies impossible à soigner avec les moyens du bord. Pulsion vengeresse des FDO face à l’impuissance ressentie en ville ces derniers soirs ? Sadisme collectif inhérent au port de l’uniforme ? L’ordre est même donné de ne pas permettre au SAMU de prendre en charge les blessés, qui attendront pour certains des heures en urgence vitale.

Le bilan est terrible, un camarade blessé en pleine tête par une grenade explosive ne sort pas du coma, un autre est aussi en urgence vitale parce qu’il a reçu une grenade dans la jugulaire, plusieurs autres sont dans un état inquiétant et les blessés graves, mutilés, défigurés se comptent par dizaines.

C’est sidérant, et on est renvoyé à une impuissance face à la faiblesse des corps aux prises avec la volonté de l’Etat d’en finir avec cette contestation, que quelques fonctionnaires obéissants ont comprises comme une volonté d’en finir avec nos camarades, nos compagnons, nos proches, nos amis.

Mais quoi qu’il advienne des blessés aujourd’hui entre la vie et la mort, c’est la vie de la révolte qu’il nous revient d’amplifier. Le temps du soin, de la peine, du deuil, le temps de mesurer les blessures se mêle à celui de l’offensive nécessaire : on ne laissera pas faire, on ne se laissera pas bercer par les discours dégueulasses qui commencent à exposer et à salir l’intimité de nos proches encore dans le coma, par les menaces d’enquêtes, par les effets d’annonce supposés terroriser le téléspectateurs à coup de « 200 fichés S s’étaient donnés rendez-vous à Sainte Soline ». Nos fiches S ne sont que le signe que la bureaucratie démocrate a décidé de nous tenir dans son viseur, les « vrais gens » auxquels ces rodomontades s’adressent se sentent-ils prêts à appuyer sur la gâchette ? Existent-ils mêmes, ceux qu’on suppose assoiffés de sang par procuration ? Et si c’était ton fils, ta sœur, ton amoureuse… on a envie de reprendre une litanie qui sert justement d’habitude à justifier la répression. Nous sommes les fichés S sur lesquels on a tiré à Sainte Soline, nous sommes des compagnons, des fils, des filles, des sœurs, des amoureuses, et chacun à notre manière, sans commandement centralisé et sans uniformes, nous nous efforçons de sortir de l’impuissance dans laquelle cette « violence légitime » cherche à nous maintenir, quitte à nous tirer dessus.

Depuis une dizaine de jours, au moment de l’annonce du passage en force de la reforme des retraites par le 49.3, le mouvement social a prit une ampleur différentes. Des rassemblements sauvages ont lieu presque tous les soirs dans plusieurs ville dans toutes la France et déambulent en érigeant des barricades, en enflammant des poubelles qui jonchent les rues grâce à la grève intense des éboueurs, des voitures et tout ce qui peut illuminer les soirs de ce nouveau printemps. Face à cette colère qui monte en puissance la police tente comme à chaque fois de réprimer et d’étouffer la révolte faute de l’avoir tuée dans l’œuf. Tous les soirs les commissariats se remplissent, les keufs interpellent en masse. Des peines de prisons ferme ont été prononcées, des détentions préventives ont été réquisitionnés. Continuons à faire grève, à bloquer, à déborder et à épuiser les flics tous les soirs, partout, qu’ils ne sachent pas où donner de la matraque, qu’ils ne sachent plus qui arrêter. Leurs forces sont limitées et, contrairement à ce qu’ils veulent nous faire croire, ils ne peuvent pas tous nous empêcher de lutter.

Ne nous laissons pas faire, plusieurs camarades sont à l’hôpital, certains gravement blessés (200 blessés ont été comptés), deux camarades sont entre la vie et la mort. L’heure est grave, il est urgent d intensifier les pratiques, de répondre, comme nous pouvons le faire, ensemble, dans la rue en solidarité avec les camarades et compagnons qui ont subi directement la « violence légitime » de l’Etat. L’histoire de la lutte ne doit se finir ni dans les commissariats et les prisons, ni à l’hôpital. Il nous est insupportable d’imaginer qu’encore une fois nous pleurerons les mutilés, les morts, et les incarcérés de retour au travail, à l’école, a pôle emploi. On pense aussi à Boris, ce compagnon gravement mutilé par la prison il y a deux ans. Pour tous ceux qui tombent et pour nous, qui n’en pouvons plus de vivre dans ce monde autoritaire et capitaliste, intensifions les luttes et pleurons cette fois nos compagnons sur les ruines du vieux monde.

Vive la Révolution.

Solidarité avec S., tous les blessés et tous les bad kids de ce monde

Quelques camarades et compagnons de Paris.

 

Addendum d’un compagnon (reçu par mail)

Ce matin, avant la manifestation, je suis sorti du métro aux alentours de 11h, et je me suis rendu dans une société privée pour y imprimer (pendant environ 30min) ce tract. En redescendant fumer une clope pendant que la machine tournait, je croise des policiers dans le hall d’entrée du bâtiment. Un flic me voie et m’attrape le bras « Ne bougez pas Monsieur. C’est lui ? » Il regarde son téléphone, sur lequel je vois une photo de moi, qui semble avoir été prise aujourd’hui, après ma sortie du métro à Oberkampf, de face, à une distance que je ne saurais pas estimer, dans la rue qui mène au bâtiment. « C’est lui, mettez vous sur le côté Monsieur ». Il rappelle ses collègues, 12 policiers à ce que j’ai pu voir, dont certains étaient en civils, qui tournaient dans les étages du bâtiment à ma recherche. J’apprends par les grésillements des talkies walkies que le parking souterrain à été bouclé pour pas que je ne puisse m’échapper et fouillé. Ils trouvent l’imprimante et les tracts à l’étage, interrogent tout le monde, les lisent, et ont la confirmation par les salariés de l’entreprise que je suis venu pour imprimer et que je ne travaille pas dans la boîte. Je suis fouillé de la tête aux pieds, et après qu’ils n’aient rien trouvé à se mettre sous la dent, ils me laissent repartir sans le millier de tracts.

La police a mis les moyens, aujourd’hui, pour me contrôler. Pourquoi, comment, dans quelle perspective, suis-je une exception, autant de questions qui restent malheureusement trop souvent sans réponses concrètes et complètes. Une chose est sure, c’est que les contrôles préventifs ont été plus nombreux aujourd’hui que lors des précédents jours de mobilisation sauvages, et, peut-être, plus poussés.

Ces contrôles visent à empêcher proactivement les débordements potentiels lors des manifestations en empêchant l’entrée de tract, de matériel ou d’individus, et nous nous devons de ne pas nous laisser faire par ces méthodes. Organisons nous pour faire déborder le mouvement social, organisons-nous pour réussir à déjouer ces contrôles préventifs, et les solutions individuelles sont nombreuses, mais de manière plus générale comprenons aussi que la forme de manifestation syndicale habituelle est propice à ces contrôles qui nous coûtent, et que ce n’est pas la seule qui existe, loin de là.

Ces contrôles aux moyens toujours plus poussés accompagnent la répression plus large qui elle aussi s’intensifie pour empêcher chacun de se mettre en mouvement et se révolter contre tout un monde, contre cette saloperie de travail, contre ce putain de maintien de l’ordre au nom duquel notre camarade S. se retrouve entre la vie et la mort.

On dirait bien qu’il fallait que ce tract ne soit pas diffé aujourd’hui. C’est raté !

Continuons la lutte contre l’État de façon protéiforme et solidaire !

Vive la Révolution.